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Ce blog est complémentaire de l’exposition photographique « Mumbai City, Les Chiffonniers de Dharavi ».

Les « Chiffonniers de Dharavi » à La Réunion

Les indiens adorent et se laissent aisément  photographier. Cela est peut-être lié à ce qu’a pu dire Borgès : « On n’existe que si on est photographié ».

On n’existe que si on a une image de soi,  que si on est (dans) un dessin de lumière qui devient un projet de vie. Un des principes du karma terrestre transite par cette nécessité ontologique : quelle image ai-je de moi-même pour m’en débarrasser et m’en libérer. Car l’Inde est ce grand pays à conscience collective où, paradoxalement, l’ego est le sujet de travail des grands sages de tous temps. L’ego est ce qui anime le vivant.  Mais l’ego est aussi ce qui freine le vivant. Il produit des sentiments qui entravent la progression spirituelle de l’humain et autres règnes.  L’indien, dans les conditions les plus misérables, est capable de sourire.

On peut voir les indiens photographiés par Philippe Moulin comme des « dessins de lumière ». C’est  bien sûr la définition basique de la photographie. Mais le regard du spectateur est aussi capté par les bleus et les blancs de poussières qui irisent les images lorsque l’auteur photographie en contre-plongée des scènes de vies d’hommes en plein travail. Comme il l’est par les faces lumineuses des femmes et fixes des enfants.

Contre-plongée et  face sont les partis-pris du photographe dans ses prises de vue afin de mettre en lumière la vie d’un quartier-usine de un million d’habitants, situé en plein centre de Mumbai City : Dharavi. Ce quartier, avec son économie informelle de récupération et de recyclage des déchets,  est à l’heure actuelle, voué à disparaître sous la pression de gros promoteurs immobiliers.

 Mais que représente un million d’habitants quand un pays en compte plus d’un milliard ?

Il semble important, je crois, d’avoir toujours en tête ce nombre qui ne cesse de croître à vitesse élevée pour comprendre la vie indienne actuelle. La mort des « Dharavi people » se retrouvant sans travail et sans logement pourrait  passer inaperçue. Car pour l’indien, un million est un nombre insignifiant et constitue un tout petit village. Mais la mort des « Dharavi people », est aussi la mort de ces activités humaines de récupération, de transformation et de recyclage des déchets qui caractérisent l’économie de l’Inde et assainissent  le pays.

Car si ses habitants  sont comme tous les habitants de la planète, consommateurs et producteurs de déchets, ils s’en différencient par une conscience individuelle et collective d’économie : en Inde, on ne gaspille pas, et ce depuis très longtemps, surtout depuis 1920 où le pays a connu une grosse explosion démographique. C’est certainement avec cette conscience que le pays se maintient. Sans ces activités de traitement de déchets produits par un milliard deux de ses habitants, on peut imaginer et visualiser aisément  la superficie totale du pays recouverte de détritus.

Outre la beauté des sujets photographiés et des photographies elles-mêmes, il a semblé important pour le Frac Réunion de s’engager à exposer le projet de conscientisation de Philippe Moulin à la Réunion. Cette petite île, ce petit village français de presque huit cent mille habitants, en plein milieu de l’Océan Indien, pourrait intégrer plus largement dans son économie les principes de récupération et de recyclage de sa masse d’objets de rebut.

Colette Pounia, directrice du Frac Réunion

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